« L’excellence est un art que l’on n’atteint que par l’exercice constant. Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée. L’excellence n’est donc pas une action mais une habitude. » Aristote
Repartons de la citation d’Aristote : « L’excellence n’est donc pas une action mais une habitude.« . Si je pousse le raisonnement un peu plus loin, cela a t-il comme conséquence qu’il est possible d’atteindre l’Excellence uniquement dans son métier : là où j’ai mes habitudes ? Ou tout au moins dans une activité centrale pour moi?
Cela invite à regarder le lien possible entre Excellence et travail. Ce qui a changé à travers les âges en distinguant 3 époques : avant l’époque moderne, l’époque moderne et aujourd’hui.
Avant le XVIII siècle
Si l’on réfléchit à ce que peut être l’Excellence avant l’époque moderne, il est facile de comprendre qu’atteindre l’Excellence était alors une chance inouïe. D’ailleurs ce concept n’existait pas car le travail en soi n’existait pas. Le travail a été inventé avec l’agriculture et l’élevage quand l’homme s’est sédentarisé pour cela. Celui qui avait un surplus de blé ou d’orge pouvait l’échanger contre un outil par exemple. Les métiers sont apparus. Et la division du travail.
Celle-ci s’est rapidement traduit par : les esclaves travaillent, les élites organisent. Pendant des siècles, de l’ère romaine au XVIIIème siècle, le travail a donc été une malédiction réservée à ceux qui n’avaient pas le choix : les esclaves ou les paysans.
Restons sur l’hypothèse de départ (selon Robert Greene) que l’Excellence est avant tout le fruit d’un travail acharné nécessitant plus de 10.000 heures de formation – soit plus de 7 à 8 ans de travail – pour pouvoir un jour espérer atteindre un niveau de maîtrise. Avec comme possibilité d’amener une idée de rupture faisant la différence et laissant une trace dans le métier concerné.
Si le travail est considéré comme « sale », et qu’il ne concerne pas la partie de la population la plus éduquée, minoritaire en ombre, atteindre l’excellence reste une heureuse rencontre entre un « nanti » éduqué et un sujet sur lequel il se passionne.
Au XVIème siècle avec la renaissance, le travail commence à apparaitre comme un moyen de réalisation de soi et d’excellence mais pour une élite artistique très limitée.
Du XVIII et XX siècle
Le XVIII siècle voit survenir le siècle des lumières, la révolution française et un mouvement de plus en plus fort contre l’esclavagisme. Ce mouvement se traduira par l’abolition de l’esclavagisme le 27 avril 1848 en France et le 18 décembre 1865 aux USA.
S’il n’y a plus d’esclaves, le besoin de réaliser des activités de production reste. Le travail prend une ampleur toute différente. Sur le papier, il est possible à chacun de suivre sa voie et ses aspirations, mais dans les faits, cela intervient rarement. De fait, un paysan devient paysan parce qu’il vit à la campagne et que son père était paysan. Ou notaire parce que le père l’était également. Chacun récupérait une « charge », et tout est dit dans ce mot. L’homme qui devenait éleveur de moutons ou de vaches ne choisissait pas sa vocation, mais il apprenait son métier depuis sa plus tendre enfance.
Un jour, il reprenait l’élevage de son père et puis c’est tout. Seuls quelques-uns parmi le nombre avait vraiment l’amour du métier et la capacité à le remettre en cause pour le faire progresser. Des lors, ils étaient peu nombreux à pouvoir amener des changements véritables sur la façon d’élever des vaches ou de faire de l’agriculture par exemple.
Par contre, le nombre réduit de métiers, de fait, amenait de nombreuses personnes dans la même discipline. La loi des grands nombres faisait que certains atteignaient le statut de maître dans leur discipline. Mais ils étaient peu nombreux.
Au XX siècle
Au début du siècle dernier, en particulier après la dernière guerre mondiale, la société française, et plus généralement occidentale, a grandement évoluée. En particulier, le nombre de métiers a commencé à augmenter de manière significative. Que ce soit dans l’agriculture, mais surtout dans l’industrie et dans le tertiaire.
Associés à un niveau d’éducation en forte hausse qui a permis a un plus grand nombre de personnes de choisir leur profession, par choix, pas par obligation ou tradition familiale. les bouleversements de la guerre, les bouleversements migratoires, économiques ont également changé la donne et la tradition du « Je fais comme on a toujours fait dans la famille » s’est étiolé.
Certains ont donc choisi une rupture avec la modèle familial et se sont orientés vers un métier plus en lien avec leur aspiration profonde. Le travail n’était plus dicté mais un choix plus affirmé au sein d’un nombre de métiers en forte hausse, encore facilement identifiables et accessibles. De plus nombreuses personnes sont arrivées dans un domaine où elles avaient d’avantage de chances d’atteindre un niveau d’Excellence.
La conséquence possible de cette situation est que le nombre plus grand de candidats potentiels à l’Excellence s’est traduit par un plus grand nombre d’innovations de rupture. Ces innovations de rupture ont comme conséquence d’accélérer le changement au sein de la société, créant un tourbillon exponentiel.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, il est possible a une part de plus en plus importante de la société, du monde en général, d’aller dans une direction qui lui correspond. Nous sommes au sommet de « Fais ce qui te plait » des civilisations modernes. De fait, on peut imaginer que nos enfants choisissent leur voie et prétendent assez facilement accéder aux portes de l’Excellence. La formation est bonne, les possibilité d’évolutions sont nombreuses.
Les candidats à l’Excellence sont donc de plus en plus nombreux. Quels sont les caractéristiques de ces candidats ?
Ce sont des personnes atteignant un niveau d’expertise très avancé dans un domaine spécifique. Ce domaine est leur passion. Ils sont bien éduqués, avec une certaine autonomie. Ils ont du mal à faire le tri entre leur métier et leur vie, les deux sont assez sensiblement liés. Ils ont un accès très important au savoir grâce à internet. Ils travaillent en réseau ce qui permet encore d’accroitre leur capacité d’innovation.
Bref, nous sommes à l’aube d’une ère où l’Excellence d’un plus grand nombre va se traduire par une accélération sans précédent des innovations, des ruptures. Toutes les conditions sont réunies.
Avec 2 questions subsidiaires :
- Jusqu’où ?
- Que deviennent ceux qui ne sont pas dans cette dynamique d’Excellence ?