La place de l’argent après un cancer ou un burnout
Quel est le prix de l’argent pour les personnes qui reviennent après un arrêt ? C’est assez varié. C’est souvent le même prix qu’avant la maladie. Ce n’est pas central après pour ceux pour qui c’était secondaire avant. Mais cela reste important pour ceux qui y accordaient de l’importance auparavant.
La difficulté pour la personne malade concerne sa cote sur le marché de l’emploi. Elle est en baisse. En tous cas, elle peut l’être en fonction de sa réaction. De même que les assureurs et les banquiers ne vous regardent plus du même œil après un cancer, l’employeur ne nous verra plus du même angle également. Votre cote à l’argus baisse un grand coup. Vous n’êtes plus aussi fiable qu’avant, moins « bankable » dirait les producteurs américains ! Ce n’est pas « moral » mais c’est la réalité. Pour vous protéger, officiellement, vous aurez des postes avec moins des responsabilités, moins de déplacements, moins de collaborateurs, des projets moins stratégiques, des postes de travail plus doux. C’est aussi un moyen pour l’entreprise de se protéger en ne confiant pas des enjeux « stratégiques » à quelqu’un qui a été absent. Longtemps. CQFD.
deman der des comptesSi vous avez eu un cancer, et surtout un burnout, vous pouvez être tenté de penser que votre travail intensif, votre investissement pendant des années a eu un impact sur votre santé. Donc l’entreprise vous doit quelque chose. Si vous accordiez de l’importance à l’argent avant la maladie, il est probable que cela va exacerber la situation ! Vous allez demander réparation, avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Ne pas être augmenté, parfois aller sur des postes moins prestigieux ou avec des pertes d’avantages, de primes, est vécu comme une punition supplémentaire. Vous rentrez alors dans un cercle vicieux de raidissement, avec au final le risque de perdre votre emploi et beaucoup d’argent, d’ancienneté et surtout de gagner une grande amertume.
Comment rendre le cancer ou le burnout « bankable » ?
Le moyen de transformer le vécu en argent est paradoxalement de ne pas lui accorder la priorité dans la réflexion. Si vous transformez votre vécu en expérience humaine enrichissante, si vous changez et devenez plus ouvert, plus souple, plus à l’écoute, plus en ligne avec vous-même, vous allez réaliser que votre « valeur absolue » augmente et votre valeur financière, effet secondaire possible – mais pas garanti – également ! Vous redevenez « bankable » et sans doute bien plus qu’avant.
Pour illustrer ce propos, je cite le commentaire de ce coach très connu dont j’ai mangé le nom(et dont je ne retrouve pas la trace !). Il parle des coachs et de leur métier. Il dit en gros ceci :
- Si vous avez des clients en quantité, que vous êtes demandé, ne changez rien et adaptez votre prix à votre population de clients. Ce sont eux qui vous choisissent, à vous de vous adapter à leur portemonnaie mais vous aurez toujours du travail.
- Si vous avez de temps en temps de clients, persévérez. Il ne manque sans doute pas grand chose pour devenir un coach qui pratique de manière assidue avec une forte clientèle.
- Mais si vous n’avez pas de clients, si personne ne vient vers vous malgré tous vos efforts, il est fort à parier que le problème n’est pas au niveau des clients mais de votre personne. C’est donc avant tout un travail à faire sur vous en priorité. Vous n’êtes pas à votre place, pas tout à fait, pas encore.
Transformer le burnout, le cancer ou la maladie en maturité personnelle, en meilleur alignement avec soi vous donnera le choix. Celui de poursuivre votre métier et d’en devenir encore un meilleur élément s’il vous plaisait avant, sans doute avec un gain financier mais qui n’aura plus la même place ensuite.
Ou au contraire celui de changer de métier, de faire autrement, là encore avec une relation à l’argent plus saine. Toutefois, je tempérerais ce propos par un aspect très pragmatique : être au bord de la précarité ne donne pas cette liberté facilement, c’est là une « injustice » forte entre les postes et sociétés généreuses et les autres.
Mais concrètement ? A quoi sert ce constat s’il ne permet pas d’améliorer le sort des personnes au sein de l’entreprise ?
L’argent : frein ou levier de changement ?
Le poids de l’argent n’est pas neutre dans un accompagnement après un retour d’arrêt maladie. Même s’il est souvent tabou, il peut avoir un impact fort. C’est donc un sujet à ne pas écarter.
Tout d’abord, l’argent est un moyen de concrétiser ses aspirations. Dans les faits, il sert souvent de prétexte pour ne pas changer. C’est un refuge facile face à la peur du changement. Car il symbolise le risque à changer. Si je change de métier ou d’orientation, je prends le risque de me retrouver à la rue. C’est un risque parfois réel, surtout quand il se conjugue avec une rupture familiale par exemple (divorce etc.), mais très souvent surestimé. Il est donc important de travailler avec la personne en lui faisant comprendre que le changement de rupture brutal est, certes, un risque mais que changer ne veut pas dire obligatoirement changement de rupture.
La théorie des petits pas
C’est ici que la théorie des petits pas prend tout son sens. La personne qui évolue après une maladie ou un burnout a souvent des aspirations. C’est en tous cas un vrai questionnement de savoir ce qu’elle veut faire dans la vie ensuite. Ou différemment. Mais la peur concrète de ne plus subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille est très forte et limitante. On arrête de penser, ça met trop « les jetons ». C’est un facteur limitant très puissant.
La théorie des petits pas permet d’indiquer à la personne qu’elle a du temps, que les choses se font petit à petit. Reprendre son travail est un moyen de se donner du temps, et de mettre en place, en parallèle ou au sein de son travail, un premier petit pas. Reprendre une activité qui correspond mieux comme bénévole, le we, pendant les congés. Expérimenter telle situation ou telle autre. Cette approche permet de prendre du recul et de ne pas mettre cette composante argent au centre de la réflexion.
Très souvent, quand la personne comprend où est son chemin, l’argent devient un moyen ou frein, mais n’est plus central. S’il faut faire des efforts pendant un ou 3 ans pour reprendre des études dans tel métier, cela devient réalisable. Une organisation se met en place pour atteindre son but.
L’argent et les proches du malade
Il est néanmoins un aspect à ne pas négliger avec l’argent. C’est la compréhension de l’argent par les proches. Les choix que va faire la personne à titre personnel vont avoir un impact sur les proches, les enfants, le conjoint, les amis, les parents. L’argent va être un vecteur de discussion et d’incompréhension potentiel fort. Nous avons vu que chacun voit dans l’argent une représentation de ses propres valeur intimes.
Le conjoint peut ne pas comprendre le chemin réalisé par sa moitié d’une part, mais très bien comprendre l’impact pécuniaire qu’il peut avoir. L’argent, ou souvent le manque d’argent, le moins d’argent, va impacter directement la représentation que s’en fait le conjoint. Cela peut être vécu comme une déchéance sociale, comme une souffrance par rapport au regard des proches, comme un critique des parents, comme une injustice par les enfants.
Bien entendu, tout cela peut se résoudre par la discussion, le dialogue ? Ou pas ! L’argent est un levier puissant pour séparer les personnes, quoi qu’on en dise. C’est également un non sujet. Très rarement, les conjoints vous avoueront l’argent comme sujet de durcissement de leur position. Pour y parvenir sans se mentir, il faut avoir réalisé un travail sur la représentation de l’argent pour soi, donc un travail sur ses propres valeurs.
Quel périmètre pour l’accompagnement après burnout ou cancer ?
Concrètement, cela suppose pour un accompagnement de prendre en compte l’entourage de la personne face à des changements de cap pressenti. Il n’est pas possible de ne parler que travail dans ces accompagnements là. C’est sans doute le cas dans d’autres types d’accompagnements, mais là tout particulièrement. Il est difficile de ne pas tenter de comprendre ce qui se joue aussi à la maison.
Avec une difficulté particulière, qui est le mandat d’accompagnement centré sur le travail. Pour une seule personne. L’accompagnant n’a pas de légitimité pour travailler avec toute la famille. Ce n’est pas une thérapie de couple ou familiale ! C’est là une vraie difficulté. Comme faire lorsqu’on pressent que l’argent, ou la diminution d’argent, ou une autre problématique d’ailleurs, est un vrai raidissement au niveau familial, même si le premier concerné n’y accorde plus le même intérêt.
Concrètement, l’argent est souvent un sujet clé dans les situations de réintégration, que ce soit après un cancer ou un burnout. C’est soit un facteur limitant soit un allié. Il ne peut être évité non seulement pour la personne mais également pour son impact l’environnement de celle-ci.